Les hésitants ont-ils les clefs du 1er tour ?


Dans cette élection qui ne ressemble à aucune autre, l’incertitude relative des intentions de vote des électeurs est un des phénomènes les plus remarquable : à une semaine du vote, près d’un électeur sur 3 (29%) admet ne pas s’être déterminé définitivement.

Scan-research / Le  Terrain a examiné les évolutions qui peuvent encore intervenir au sein de cet électorat des hésitants : nous avons demandé aux électeurs qui n’étaient pas sûrs de leurs choix, ainsi qu’aux indécis, pour quels autres candidats ils pourraient éventuellement voter.

Des réservoirs de voix encore significatifs pour Macron, Mélenchon et Fillon.

Un premier examen du solde de ceux qui abandonneraient éventuellement le candidat de leur premier choix et de ceux qui rejoindraient éventuellement un autre candidat, montre que Emmanuel Macron, Jean Luc Mélenchon et Benoît Hamon seraient éventuellement les grands bénéficiaires de ces transferts de voix des derniers jours.

Solde des
transferts de voix des hésitants

Nicolas DUPONT-AIGNANT 1,09 %
Marine LE PEN 0,40 %
Emmanuel MACRON 5,26 %
Benoît HAMON 6,34 %
Nathalie ARTHAUD – 0,21 %
Philippe POUTOU – 0,01 %
Jean LASSALLE – 0,27 %
Jean-Luc MELENCHON 7,12 %
François ASSELINEAU – 0,02 %
François FILLON 4,08 %
Solde des répondants « ayant indiqué une intention de vote en faveur d’un candidat » Ou « indécis » MAIS « non sûrs de leurs choix » ET « ayant indiqué un autre candidat pour lequel ils pourraient éventuellement voter ».

On remarquera que François Fillon conserve également, quoique dans une moindre mesure, des réserves lui permettant de figurer au second tour.

Marine le Pen, quant à elle, dispose d’un socle important d’électeurs sûrs, elle ne peut en revanche guère compter sur un réservoir de voix suffisant pour franchir enfin le « plafond de verre » qui maintient le Front National éloigné du pouvoir.

 

  • Emmanuel Macron le second choix des indécis ?

Pour Emmanuel Macron, les transferts de voix avec les autres candidats serait presque un jeu à somme nul. Ses électeurs qui envisageraient de voter pour un autre candidat hésitent principalement avec les candidats de gauche : 1,9% opteraient pour Benoît .Hamon, 2,13% pour Jean-Luc Mélenchon. Dans une moindre mesure ils pourraient apporter leurs voix à François Fillon (2,2%). Mais ces possibles départs sont compensés par de possibles arrivées dans des proportions analogues en provenance de ces mêmes électorats de Benoît Hamon (1,39 %), de Jean-Luc Mélenchon (1,76%) ou de François Fillon (1,51%). C’est en fait chez les indécis que se trouvent les réservoirs de voix les plus significatifs pour le candidat de En Marche (7,63% soit près d’un tiers de ceux-ci).

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  • Jean Luc Mélenchon le candidats des hésitants de gauche

Les hésitations des électeurs autour du candidat de la « France insoumise » se situent pour l’essentiel entre lui et les autres candidats de gauche et de centre gauche et tendent également à s’annuler. Notons toutefois qu’il pourrait attirer quelques électeurs de Marine Le Pen (1,61%). Sa plus grande chance de progression se situe cependant parmi les électeurs indécis (5,34 %) et notamment les plus jeunes d’entre eux.

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  • Marine Le Pen sous le plafond de verre

La candidate du Front National dispose d’un électorat plus solide, bien qu’elle puisse perdre dans de faibles proportions des électeurs au profit de François Fillon (1,12%) ou de Jean-Luc Mélenchon (1,61%) et ne dispose que de peu de réserves de voix chez les autres candidats. Seuls des électeurs aujourd’hui indécis (2,09%) pourraient être éventuellement sensibles à ses arguments.

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  • François Fillon toujours solide

Plus encore que Marine Le Pen le candidat des Républicains peut compter sur un électorat sûr de son vote, notamment parmi les électeurs les plus âgés, qui sont aussi les plus disciplinés. Seul Emmanuel Macron serait en mesure d’attirer à lui quelques un de ses électeurs (1,5%).

En revanche François Fillon dispose encore d’une capacité de progression non négligeable.  En premier lieu chez les électeurs du même Emmanuel Macron (soit 2,22%, avec donc un solde positif de près d’un point avec ce candidat). Il peut également compter sur un nombre significatif d’indécis (3,88 %) qui pourraient ainsi le propulser au second tour.

Diapositive4

 

 

Notice technique.

La notice technique a été déposée à la commission des sondages le 17 avril 2017.

  • Date de réalisation.
    • L’enquête a été réalisée par téléphone du 13 au 15 avril 2017.
    • Heure d’appel : en semaine 17h – 21h et Samedi 10 – 20h.
  • Dispositif d’enquête.
    • Enquêteurs assistés d’un logiciel d’enquête (CATI).
    • Plateforme téléphonique basée à Paris
  • Fichier des contacts.
    • Numéros de téléphone composés aléatoirement.
    • Taux de téléphone mobile : 50%
  • Taille de l’échantillon.
  • 1135 personnes inscrites sur les listes électorales.
  • Dont 853 certaines d’aller voter.
  • Dont 642 certaines d’aller voter et ayant exprimé une intention de vote.
  1. Méthodologie.
    • Méthode des quotas par stratification :
      • Région
      • Taille d’agglomération
      • Sexe
      • Age
      • PCS du chef de famille
  • Redressement.
    • Socio – démo.
    • Reconstitution du vote 1er Tour 2012
    • Reconstitution du vote 2ème Tour 2012

Marge d’erreur : Compte tenu de la méthodologie utilisée (Méthode des quotas) le calcul de la marge d’erreur n’est pas possible. Il est admis par simplification que si elle était calculable, elle serait proche du calcul de la marge d’erreur lorsque l’échantillon est constitué  aléatoirement (échantillon non probabiliste). Ci-dessous marge d’erreur pour un échantillon de 769 individus :

Diapositive22

La marge d’erreur varie selon la taille de l’échantillon et le % de chance choisi.

JL. Mélenchon devance de peu M. Le Pen.


Jean Luc  Mélenchon devant Marine  Le Pen

Après s’être hissé devant François Fillon, comme nous l’avions remarqué lors de notre précédente mesure des intentions de votes des Français, Jean-Luc Mélenchon dépasse maintenant Marine Le Pen d’un demi point dans l’enquête réalisée par Scan-research / Le Terrain

Jean-Luc Mélenchon à une courte distance de Emmanuel Macron

Emmanuel Macron se maintient au niveau d’intentions de vote (24 %) qui était le sien lors de notre première vague (24,5%). Il est suivi, à moins de deux points, par Jean-Luc Mélenchon (22,5%) qui reste porté par une très forte dynamique d’opinion.

Marine Le Pen stagne et François Fillon remonte

Les intentions de vote en faveur de Marine Le Pen semble se tasser puisqu’elle perd 2 points par rapport à notre vague précédente.

François Fillon voit quelques électeurs revenir vers lui, et regagne deux points d’intentions de vote. Mais ce mouvement est probablement trop tardif et trop faible pour permettre à l’ancien premier ministre de se qualifier pour le second tour.

Les socialistes en vue d’un échec historique

La candidature de Benoît Hamon poursuit avec discrétion et régularité sa descente aux enfers, puisqu’avec 8%, il perd un point par rapport à notre vague précédente. Une telle contre-performance pour le représentant du parti disposant du groupe parlementaire le plus important à l’assemblée, ne peut être imputée à la seule personne du candidat. Une telle déconfiture, si elle se confirme dans les urnes devrait conduire le parti socialiste à s’interroger sur la nature de sa relation avec ses électeurs notamment dans la préparation des élections législatives qui viennent.

Pourquoi Jean-Luc Mélenchon progresse

Si l’on en juge par sa progression, Jean-Luc Mélenchon fait la meilleure campagne de ces présidentielles. Il parvient même à tirer profit des initiatives de ses concurrents. Il semble en effet que  ce soit Jean-Luc Mélenchon, et non Philippe Poutou qui ait tiré le meilleur bénéfice de l’attaque du candidat du NPA contre Marine Le Pen, quand il a rappelé qu’elle n’était probablement pas la plus légitime à pouvoir incarner une candidature anti-système dans cette élection.

Si l’on observe la sociologie de son électorat, on constate qu’il s’est renforcé significativement dans les dernières semaines auprès des couches populaires : il fait désormais jeu égal avec Marine Le Pen parmi les employés (29,5% d’intentions de vote en sa faveur dans cette catégorie), et a progressé de manière importante auprès des ouvriers (25,5%).

Diapositive4

  • Intentions de vote au premier tour.

TAB V2 C

  • Tris par sexe – Age – CSP du répondant

tabV2 A

  • Tris niveau de diplôme – Revenu net du foyer – Taille d’agglomération.

tabV2 B

 

  • Intentions de vote au deuxième tour : Emmanuel Macron.

Diapositive11

 

  • Intentions de vote au deuxième tour :  Jean-Luc Mélenchon.

Diapositive12

 

  • Intentions de vote au deuxième tour :  Marine Lepen.

Diapositive10

 

  • Intentions de vote au deuxième tour :  François Fillon.

Diapositive9

 

Notice technique.

La notice technique a été déposée à la commission des sondages le 17 avril 2017.

  • Date de réalisation.
    • L’enquête a été réalisée par téléphone du 13 au 15 avril 2017.
    • Heure d’appel : en semaine 17h – 21h et Samedi 10 – 20h.
  • Dispositif d’enquête.
    • Enquêteurs assistés d’un logiciel d’enquête (CATI).
    • Plateforme téléphonique basée à Paris
  • Fichier des contacts.
    • Numéros de téléphone composés aléatoirement.
    • Taux de téléphone mobile : 50%
  • Taille de l’échantillon.

    • 1135 personnes inscrites sur les listes électorales.
    • Dont 853 certaines d’aller voter.
    • Dont 642 certaines d’aller voter et ayant exprimé une intention de vote.
  1. Méthodologie.
    • Méthode des quotas par stratification :
      • Région
      • Taille d’agglomération
      • Sexe
      • Age
      • PCS du chef de famille
  • Redressement.
    • Socio – démo.
    • Reconstitution du vote 1er Tour 2012
    • Reconstitution du vote 2ème Tour 2012

 

Marge d’erreur : Compte tenu de la méthodologie utilisée (Méthode des quotas) le calcul de la marge d’erreur n’est pas possible. Il est admis par simplification que si elle était calculable, elle serait proche du calcul de la marge d’erreur lorsque l’échantillon est constitué  aléatoirement (échantillon non probabiliste). Ci-dessous marge d’erreur pour un échantillon de 769 individus :

Diapositive22

La marge d’erreur varie selon la taille de l’échantillon et le % de chance choisi.

Populisme : le grand vainqueur des présidentielles 2017 ?


  • Le populisme n’a pas encore gagné l’opinion

Le sentiment populiste est indéniablement un courant d’opinion fort en France. Mais il est plus un ensemble diffus de tendances qu’un corps organisé de doctrine qui pourrait structurer l’opinion. Une grande majorité de Français se retrouve ainsi autour de l’opinion populiste selon laquelle la société est divisée entre un « peuple » et des « élites » qui auraient confisqué les pouvoirs à leur profit exclusif. Mais l’idée que les migrants constituent une menace pour la société ou celle selon laquelle il faudrait renforcer les barrières douanières, n’emportent pas une même adhésion de l’opinion.

Envisagée au prisme du populisme, l’opinion se divise d’abord en deux France opposées les « populistes » et les « non populistes ». Les « populistes » voient l’avenir et l’étranger comme autant de menaces ; les « non populistes » y voient plutôt de nouvelles opportunités. Le vote de la France populiste est capté pour une bonne part par le Front National. Mais pas exclusivement : les populistes peuvent également se tourner vers d’autres candidats de droite, ou rester dans l’indécision et le vote nul.

Entre les opinions populistes et non populistes, on trouve une France indécise, déjà sensible aux thèses populistes, mais encore loin d’avoir traduit cette sensibilité en un vote Front National.

Il est donc probable qu’à court terme, le « plafond de verre » qui contient le FN à distance du pouvoir devrait tenir. Mais on peut déjà y voir quelques fissures notamment dans le sentiment général d’être mal représenté par et dans les institutions.

Aussi est-ce probablement dans la capacité de celles-ci à regagner la confiance des Français après les élections que se jouera la progression ou non du populisme au sein de l’opinion.

  1. Vous avez dit « populiste » ?

« Populisme » est un terme aussi confus que fréquent dans les débats de la campagne électorale. Selon les interlocuteurs, le mot renvoie à des phénomènes différents et d’importance variable.

Nous avons voulu apporter ici quelques informations précises pour éclairer le débat sur un courant d’opinion déterminant dans la campagne : Qui sont les populistes ? Quelles sont leurs convictions ? Que pèsent-ils dans la campagne ? Quelles interrogations, l’émergence d’un tel courant dans le débat public  suscite-t-elle ?

Scan-research/Le Terrain apporte ici quelques données de sondages permettant d’éclairer les enjeux des dernières semaines de campagne.

  1. Le populisme : une convergence d’opinions plutôt qu’une doctrine cohérente

Le « populisme » n’est pas un courant d’opinion structuré dont se réclameraient des organisations politiques au même titre que le socialisme, le gaullisme, ou l’écologie. Il est une convergence de traits d’opinions diffus dont l’addition finit par caractériser un paysage intellectuel. Ces traits sont les suivants :

  • Une représentation de la société définie par l’opposition entre une élite et le peuple
  • le sentiment que l’élite s’est emparée des postes de pouvoir pour son seul profit, au détriment de l’intérêt général et de celui du peuple en particulier
  • Une méfiance à l’égard de l’étranger et de ses différentes figures( les migrants aujourd’hui)
  • L’idée qu’en renforçant l’étanchéité des frontières nationales on améliorerait la situation sociale du pays.
  • Le sentiment d’un déclin de la société

Aucun de ces traits ne définit à lui seul le populisme. Ce n’est qu’ensemble qu’ils dessinent un courant d’opinion qu’on pourra qualifier de populiste.

En interrogeant les Français sur leur accord à l’égard de chacune  de ces opinions, il a été possible de regrouper les Français en trois ensembles selon leur plus ou moins grande proximité avec la sensibilité populiste (voir méthodologie) :

  • les populistes
  • les populistes modérés
  • les non populistes
  1. Une idéologie diffuse dans l’opinion

Chacun des traits de l’idéologie populiste que nous avons testé suscite un accord de la part de secteurs significatifs de l’opinion.

  • Une opinion convaincue de l’existence d’une fracture entre l’élite et le peuple

L’opposition entre « l’élite » et « le peuple » structure la représentation qu’une écrasante majorité de Français (84%) se fait de la société. Cette idée est encore renforcée, pour 78% des Français, par le sentiment que « l’élite » use de son pouvoir dans son intérêt de caste et non en vue de l’intérêt général.

Ces chiffres sont le signe d’une véritable crise de légitimité des formes de gouvernance au sein de la société française.

  • Une France qu’on voudrait plus fermée

Un Français sur deux (49%) souhaiterait un « rétablissement des barrières douanières ». Une même proportion (45%) pense que « l’accueil des migrants pose un problème au bon fonctionnement de la société française »

  • Une France qu’on voit mal partie

On ne sera donc guère surpris de constater que les Français se montrent majoritairement pessimistes sur l’avenir de leur pays à moyen terme : 2 sur 3 (65%) pensent ainsi que « la situation économique et sociale de la France va fortement se dégrader dans les années à venir ».

  1. Une idéologie inégalement distribuée dans l’opinion

Les Français sont donc aujourd’hui sensibles aux thèses populistes. Il convient cependant de souligner qu’ils ne le sont pas tous de la même manière ni et avec la même intensité. On peut ainsi distinguer trois grandes attitudes au sein de l’opinion.

  • les populistes.

Ils forment la population qui se retrouve régulièrement dans chacune des thèses populistes. Les populistes représentent un quart des Français (25%). Ils se recrutent parmi les couches les moins favorisées de la société et les moins diplômées, ainsi que parmi les 50/64 ans, autrement dit parmi cette classe d’âge qui parvient au terme de sa vie professionnelle ; visiblement non sans quelque amertume. On ne sera pas surpris de constater que leurs intentions de vote les portent d’abord vers le Front National. Marine le Pen réalise ainsi un score de 61% auprès de cette cible ; devant François Fillon (16%) et Jean Luc Mélenchon (10%) loin derrière. La part d’indécis ou de vote nul se monte à 20%.

  • les populistes modérés.

Un tiers des personnes interrogées se retrouve dans un populisme moins systématique. Le profil sociodémographique de ce groupe, pour l’ensemble, est conforme à celui de la population générale des Français. S’ils sont en accord avec quelques unes des thèses populistes (notamment celles qui concernent le mécontentement à l’égard de la gouvernance des « élites »), les « populistes modérés » sont encore loin de voter pour la candidate du Front National. Au premier tour, elle réaliserait auprès d’eux un score inférieur à celui qu’elle obtiendrait auprès de l’ensemble des Français (21%). Au second tour ils voteraient contre elle dans tous les cas de figure. Leur vote s’oriente plutôt vers Emmanuel Macron (71% ) s’il devait être opposé à F. Fillon (29%) ; ou (57%) s’il devait être opposé à JL. Mélenchon (43%).

  • les non populistes

Ils sont à la fois la catégorie la plus nombreuse (42% des Français) et la moins perméable aux thèmes populistes. Les non populistes sont plutôt jeunes (62% des 25/34 ans), plutôt aisés (55% des CSP+), et diplômés (58% des bacheliers). Leurs votes s’orientent d’abord vers E. Macron (38%), et dans une moindre mesure vers les différents candidats de gauche : JL. Mélenchon (25 %) et B. Hamon (15%).

Méthodologie

Principe d’évaluation du populisme

Dans cette étude, le populisme est évalué à partir de 5 questions portant sur les thématiques suivantes :

  • La perception de l’évolution de la situation économique et sociale
  • La perception d’une opposition entre « les élites » et « le peuple »
  • La confiance dans les institutions
  • Le renforcement des frontières douanières
  • L’accueil des migrants

Pour chacune de ces thématiques, les personnes interrogées ont indiqué leur accord avec les opinions suivantes sur une échelle en 5 points (tout à fait d’accord, plutôt d’accord, plutôt pas d’accord, pas du tout d’accord, Ni d’accord ni pas d’accord)

  • Je pense que la situation économique et sociale de la France va fortement de se dégrader dans les années à venir
  • Je pense qu’il existe en France une opposition entre les élites – les politiciens, les journalistes, les grands patrons,…- et le peuple
  • Je pense que les institutions – l’état, les médias, les grandes entreprises,… – travaillent surtout dans l’intérêt de ceux qui ont le pouvoir et les plus riches – les politiciens, les journalistes, les grands patrons,… – et non dans l’intérêt du peuple.
  • Je pense que l’accueil de migrants pose un problème important au bon fonctionnement de la société française
  • Je pense que pour améliorer la situation sociale de la France, il faut rétablir des barrières douanières à nos frontières et taxer les marchandises et les services venant de l’étranger

Le « populisme » de chaque répondant a été déterminé à partir du cumul de ses réponses à chacune de ces 5 questions ; à chaque réponse étant attribuée les valeurs suivantes :

  • Tout à fait d’accord = 4
  • Plutôt d’accord = 3
  • Ni d’accord, ni pas d’accord = 2
  • Plutôt pas d’accord = 1
  • Pas du tout d’accord = 0

Soit un score pour chaque répondant compris entre 0 et 20.

L’échantillon a ensuite été réparti en trois groupes selon le score des répondants :

  • Entre 20 et 16 : les « populistes »
  • Entre 15 et 11 : les « populistes modérés »
  • Entre 11 et 0 : les « non-populistes »

Résultats

LA PERCEPTION DE L’EVOLUTION DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE ET SOCIALE

P1. Je vais vous lire des phrases qui ont été dites par d’autres personnes et pour chacune d’elles, vous me direz si vous êtes tout à fait d’accord, plutôt d’accord, ni d’accord ni pas d’accord, plutôt pas d’accord ou pas du tout d’accord ? Je pense que la situation économique et sociale de la France va fortement de se dégrader dans les années à venir.

T1

T2

L’OPPOSITION ENTRE LES « ÉLITES » ET LE « PEUPLE »

P2. Je vais vous lire des phrases qui ont été dites par d’autres personnes et pour chacune d’elles, vous me direz si vous êtes tout à fait d’accord, plutôt d’accord, ni d’accord ni pas d’accord, plutôt pas d’accord ou pas du tout d’accord ? Je pense qu’il existe en France une opposition entre les élites – les politiciens, les journalistes, les grands patrons,…- et le peuple.

T3
T4

LA CONFIANCE A L’EGARD DES INSTITUTIONS

P1. Je vais vous lire des phrases qui ont été dites par d’autres personnes et pour chacune d’elles, vous me direz si vous êtes tout à fait d’accord, plutôt d’accord, ni d’accord ni pas d’accord, plutôt pas d’accord ou pas du tout d’accord ? Je pense que les institutions – l’état, les médias, les grandes entreprises,… – travaillent surtout dans l’intérêt de ceux qui ont le pouvoir et les plus riches – les politiciens, les journalistes, les grands patrons,… – et non dans l’intérêt du peuple.

T5
T6

LE PROTECTIONNISME ÉCONOMIQUE

P4. Je vais vous lire des phrases qui ont été dites par d’autres personnes et pour chacune d’elles, vous me direz si vous êtes tout à fait d’accord, plutôt d’accord, ni d’accord ni pas d’accord, plutôt pas d’accord ou pas du tout d’accord ? Je pense que pour améliorer la situation sociale de la France, il faut rétablir des barrières douanières à nos frontières et taxer les marchandises et les services venant de l’étranger.

T9
T10

L’ACCUEIL DES MIGRANTS

P5. Je vais vous lire des phrases qui ont été dites par d’autres personnes et pour chacune d’elles, vous me direz si vous êtes tout à fait d’accord, plutôt d’accord, ni d’accord ni pas d’accord, plutôt pas d’accord ou pas du tout d’accord ? Je pense que l’accueil de migrants pose un problème important au bon fonctionnement de la société française.

T7T8

Répartition par groupe.

POPULISME TAB1

  • Les  Sexe – Âge – CSP – Niveau de diplôme

populisme tab2

  • Répartition des types de populistes par Revenu du foyer – Proximité politique – Taille d’agglomération

POPULISME TAB 3

Intention de vote par groupe.

populisme tab4

Classement des candidats.

populisme tab 5

Notice technique.

  • Date de réalisation.
    • L’enquête a été réalisée par téléphone du 23 au 27 mars 2017.
    • Heure d’appel : en semaine 17 – 21h et Samedi 10 – 20h
  • Dispositif d’enquête.
    • Enquêteurs assistés d’un logiciel d’enquête (CATI).
    • Plateforme téléphonique basée à Paris
  • Fichier des contacts.
    • Numéros de téléphone composés aléatoirement.
    • Taux de téléphone mobile : 50%
  • Taille de l’échantillon.

    • 1106 personnes inscrites sur les listes électorales.
    • Dont 769 certaines d’aller voter.
  • Méthodologie.
    • Méthode des quotas par stratification :
      • Région
      • Taille d’agglomération
      • Sexe
      • Age
      • PCS du chef de famille
  • Redressement.
    • Socio – démo.
    • Reconstitution du vote 1er Tour 2012
    • Reconstitution du vote 2ème Tour 2012

Marge d’erreur : Compte tenu de la méthodologie utilisée (Méthode des quotas) le calcul de la marge d’erreur n’est pas possible. Il est admis par simplification que si elle était calculable, elle serait proche du calcul de la marge d’erreur lorsque l’échantillon est constitué  aléatoirement (échantillon non probabiliste). Ci-dessous marge d’erreur pour un échantillon de 769 individus :

Pour un échantillon de 769 individus si le résultat observé est 10 % (par exemple), en tenant compte de la marge d’erreur, la probabilité est de 95% que le résultat soit compris entre 7,88 % et 12,12 %.

La marge d’erreur varie selon la taille de l’échantillon et le % du résultat.

Merci Pôle Emploi …


L’image : Attestation Pôle Emploi : 280 pages pour une année pour un salarié

Merci Pôle Emploi pour la simplification administrative,
dommage pour les arbres et la planète !

Depuis quelques semaines, Pôle Emploi (APE) a modifié les règles selon lesquelles les entreprises doivent fournir à leurs salariés leurs attestations d’emploi.

But de l’opération ? Simplifier et clarifier les relations entre les entreprises et les salariés !

Voire…

Les anciennes règles permettaient de récapituler sur une seule attestation d’une seule page jusqu’à 8 contrats d’un salarié dans une même entreprise ; la nouvelle règle exige désormais que chaque contrat fasse l’objet d’un document de 4 pages.

Pour les sociétés qui emploient un grand nombre de collaborateurs en contrat à durée déterminée (comme par exemple les enquêteurs des instituts d’études), les conséquences sont ridiculement dramatiques.

Imaginons une entreprise qui emploie 8 fois dans l’année un même salarié. Avec les anciennes règles, l’entreprise délivrait au salarié une attestation récapitulant ces 8 collaborations ; le tout sur une seule page. C’est maintenant un petit livret de 32 pages (8 fois 4 pages) que l’entreprise doit remettre au salarié. Nous voilà assez loin d’une simplification, puisque ce changement a pour effet principal d’alourdir les tâches administratives, ralentir les processus au sein de l’entreprise, en ajoutant un peu plus de stress au travail.

Le coût économique de la mesure n’est pas le seul enjeu, son impact sur l’environnement est loin d’être négligeable

En 2014, l’INSEE estimait le nombre de salariés en CDD à 2,200 millions de personnes. En supposant que chacune d’elles n’ait travaillé qu’une seule fois dans l’année cela représente près de 10 millions de pages d’attestations ; soit près de 50 tonnes de papier à imprimer, à transporter, à dupliquer, à stocker…

Un arbre permet de produire en moyenne 8500 pages de papier A4 ; les nouvelles règles des attestations Pôle Emploi condamnent 1200 arbres chaque année.

Ajoutons que chaque arbre absorbe l’équivalent du CO2 émis par une voiture roulant sur 42000 km : c’est l’équivalent carbone d’un trajet de 50 millions de kilomètres que n’absorberont pas nos arbres rasés par les nouvelles mesures de simplification de Pôle Emploi.

Faut-il encore préciser, pour ajouter à l’ironie de l’histoire, que les questions de « simplification administrative » relèvent pour le gouvernement d’un « secrétariat général pour la modernisation de l’action publique » dont le patron n’est autre que l’écologiste Jean Vincent Placé.

Étonnante mesure donc que ces nouvelles dispositions sur les attestations de Pôle Emploi, qui compliquent la vie des entreprises quand elles prétendent les simplifier et démentent dans les faits les grands engagements écologiques en paroles des politiques.

En attendant, ce mois-ci, nous devrions éditer trois ramettes d’attestations Pôle Emploi.

 

Présidentielles 2017 – Intentions de vote.


A quelles semaines du premier tour des élections présidentielles de 2017, SCAN- RESEARCH et LE TERRAIN ont réalisé une mesure des intentions de vote auprès d’un échantillon représentatif de la population française de 1106 personnes,  inscrites sur les listes électorales.

Nos premières analyses montrent.

  • L’essor de la candidature Mélenchon

L’enseignement principal de cette vague est la progression spectaculaire des intentions de vote des Français en faveur de Jean-Luc Mélenchon (19,5%) au regard des scores dont il est habituellement crédité. Toutefois cette progression ne lui permet pas de recoller aux deux principaux candidats que sont aujourd’hui Emmanuel Macron (24,5%) et Marine le Pen (24%) qui sont presque à égalité dans les intentions des électeurs déterminés à aller voter.

Il n’y a en revanche guère d’incertitude pour départager François Fillon (15,5%) de Jean-Luc Mélenchon : ce dernier devance nettement le candidat de Les Républicains (4%). Si un second tour les opposant devait se tenir ce week-end, Jean-Luc Mélenchon (63%) infligerait même une défaite sans appel à François Fillon (37%).

  • Ce qui propulse Mélenchon

Le succès de la manifestation du 18 mars qui a réuni des dizaines de milliers de personnes ainsi que sa bonne prestation lors du premier débat du 20 mars, ont inscrit le candidat de la « France insoumise » dans un progression très dynamique. Celle-ci repose pour une bonne part sur les bons scores qu’il réalise auprès des électeurs de 18 à 34 ans, diplômés, aux revenus encore modestes.

  • François Fillon est-il sous-déclaré par les personnes interrogées ?

La contre-performance de François Fillon s’explique-t-elle, comme on l’entend parfois, par une excessive discrétion de ses électeurs qui ne se révèleront que dans les derniers jours ? On ne peut certes exclure que certains de ses électeurs, aujourd’hui égarés parmi les indécis ou dans le soutien à Emmanuel Macron, à la suite des affaires liées au Penelopegate, ne reviennent vers lui au dernier moment. Son programme fiscal, la résistance qu’il oppose aux vents contraires, ainsi que son image de compétence seraient autant d’arguments pour justifier ce retour. Mais quand bien même ce phénomène se produirait, il faudra qu’il soit massif pour inverser une tendance si fortement marquée. Les indécis se déclarant proches de la droite ne représentent que 3,2%. S’ils se mobilisaient tous pour François Fillon, ce serait encore insuffisant pour inverser le sens du vote. Les indécis ne déclarant aucune proximité politique représentent un réservoir plus important (13,5%),  mais il est probable que, une fois décidés, ils se distribuent sur l’ensemble des candidats, FN non compris. La part qu’en recevra François Fillon sera-t-elle suffisante pour qu’il rattrape son retard sur ses concurrents ? Rien n’est moins certain.

  • Un nouveau paysage politique

A presque 3 semaines du scrutin, on constate que les trois candidats en tête des intentions de vote ont en commun, au delà de leurs très importantes différences, de remettre en cause, chacun à sa manière, le mode gouvernance qui a prévalu en France au cours des 50 dernières années ainsi que la manière dont l’Etat représente les Français.

Il y a là le symptôme d’une crise profonde de la représentation à laquelle le prochain Président, quel qu’il soit, devra apporter une réponse.

Capture trio

 Jean Luc Mélenchon, se place en troisième position devant François Fillon avec une  avance significative.

intention blog(Base : personnes inscrites sur les listes électorales tout à fait certaines d’aller voter et ayant exprimé une intention de vote au premier tour = 586 répondants )
  • Tris par sexe – Age – CSP du répondant

TAB2 BLOG

  • Tris niveau de diplôme – Revenu net du foyer – Taille d’agglomération.

TAB2 BLOG

Au deuxième tour de l’élection, dans tous les cas de figure qui ont été testés :

  • Marine Lepen serait battue par ses principaux rivaux, François Fillon, Emmanuel Macron et Jean Luc Mélenchon.

mlp 2tour

  • Emmanuel Macron serait le vainqueur face à François Fillon, Marine Lepen  et Jean Luc Mélenchon.

em 2ème tour

  • Jean Luc Mélenchon serait le vainqueur de son duel avec Marine Lepen et François Fillon mais serait battue par Emmanuel Macron.

jlm em tour

  • François Fillon serait vainqueur devant Marine Lepen mais serait battu par Emmanuel Macron et Jean Luc Mélenchon.

BLOG FF 2tour

 

  • Profil des électeurs selon les hypothèses de second tour.

ESTIMATION 2ND TOUR : MARINE LEPEN VS. EMMANUEL MACRON

lmp vs em 2em tour

(Base : personnes inscrites sur les listes électorales tout à fait certaines d’aller voter et ayant exprimé une intention de vote au second tour = 647 répondants)

ESTIMATION 2ND TOUR : EMMANUEL MACRON vs JEAN-LUC MELENCHON

em vs jlm

(Base : personnes inscrites sur les listes électorales tout à fait certaines d’aller voter et ayant exprimé une intention de vote au second tour = 654 répondants)

ESTIMATION 2ND TOUR : EMMANUEL MACRON vs FRANÇOIS FILLON

em vs ff

(Base : personnes inscrites sur les listes électorales tout à fait certaines d’aller voter et ayant exprimé une intention de vote au second tour = 621 répondants)

ESTIMATION 2ND TOUR : MARINE LEPEN vs FRANÇOIS FILLON

lmp vs fillon

(Base : personnes inscrites sur les listes électorales tout à fait certaines d’aller voter et ayant exprimé une intention de vote au second tour = 553 répondants)

ESTIMATION 2ND TOUR : MARINE LEPEN vs JEAN-LUC MELENCHON

mlp vs jlm

(Base : personnes inscrites sur les listes électorales tout à fait certaines d’aller voter et ayant exprimé une intention de vote au second tour = 647 répondants)

ESTIMATION 2ND TOUR : FRANÇOIS FILLON vs JEAN-LUC MELENCHON

FF vs jlm

(Base : personnes inscrites sur les listes électorales tout à fait certaines d’aller voter et ayant exprimé une intention de vote au second tour = 667 répondants)

 

Notice technique.

  • Date de réalisation.
    • L’enquête a été réalisée par téléphone du 23 au 27 mars 2017.
    • Heure d’appel : en semaine 17 – 21h et Samedi 10 – 20h
  • Dispositif d’enquête.
    • Enquêteurs assistés d’un logiciel d’enquête (CATI).
    • Plateforme téléphonique basée à Paris
  • Fichier des contacts.
    • Numéros de téléphone composés aléatoirement.
    • Taux de téléphone mobile : 50%
  • Taille de l’échantillon.

    • 1106 personnes inscrites sur les listes électorales.
    • Dont 769 certaines d’aller voter.
  • Méthodologie.
    • Méthode des quotas par stratification :
      • Région
      • Taille d’agglomération
      • Sexe
      • Age
      • PCS du chef de famille
  • Redressement.
    • Socio – démo.
    • Reconstitution du vote 1er Tour 2012
    • Reconstitution du vote 2ème Tour 2012

 

Marge d’erreur : Compte tenu de la méthodologie utilisée (Méthode des quotas) le calcul de la marge d’erreur n’est pas possible. Il est admis par simplification que si elle était calculable, elle serait proche du calcul de la marge d’erreur lorsque l’échantillon est constitué  aléatoirement (échantillon non probabiliste). Ci-dessous marge d’erreur pour un échantillon de 769 individus :

Pour un échantillon de 769 individus si le résultat observé est 10 % (par exemple), en tenant compte de la marge d’erreur, il y a 95% de chance que le résultat soit compris entre 7,88 % et 12,12 %.

La marge d’erreur varie selon la taille de l’échantillon et le % de chance choisi.

Erreur des sondeurs ou changement de jeu ?


Après la victoire de Trump aux USA et, dans une moindre mesure celle de Fillon aux primaires de la droite, la réputation des sondeurs a été passablement malmenée. Il est vrai que la spectaculaire erreur de pronostic sur l’élection de Donald Trump n’est que le dernier événement d’une série inaugurée avec la présence surprise de Jean Marie le Pen au second tour des élections présidentielles françaises en 2002, suivie de la victoire du Non au référendum sur la constitution européenne en 2005 et plus récemment le choix du Brexit par les électeurs britanniques.
Une telle régularité dans l’appréciation des mouvements émergents de rejet de l’establishment interdit de parler ici d’accident ou d’incompétence de tel ou tel. Cette erreur est aujourd’hui si partagée parmi les sondeurs qu’elle semble revêtir un caractère structurel.

On peut y trouver trois types d’explications : la première serait que les sondages sont mal faits, la seconde qu’il recueillent un matériau frelaté, déjà biaisé avant même qu’on l’analyse, la troisième qu’il est des objets qui par principe résistent aux sondages.

Des sondages mal conduits ?

La première explication met en cause les méthodes qui se sont généralisées dans le métier des études au cours de ces dernières années : notamment les techniques d’interrogation en ligne avec leurs échantillons puisés dans ces immenses réservoirs de répondants pré-recrutés et disponibles : les access panels.

On leur reproche de ne pas respecter l’exigence fondamentale de représentativité des échantillons : les panélistes ne représentent pas la population toute entière, mais seulement celle des Internautes ; ils sont plus jeunes, plus diplômés, plus aisés, appartiennent aux catégories sociales les plus élevées. Ils sont également plus ouverts à l’innovation qu’elle soit technique, ou sociale.

Les sondeurs connaissent ces défauts, et ils savent s’en prémunir : une enquête du Crédoc[1] montre qu’un redressement simple des échantillons en ligne sur la base des quotas de l’Insee permet de corriger les principales distorsions des réponses entre les répondants en ligne et les répondants par téléphone ou en face à face.

L’expérience montre effectivement que, quand ils sont bien faits, les sondages en ligne n’ont pas à rougir de leurs résultats devant les études conduites selon des méthodes traditionnelles (interrogation par téléphone). Après les élections américaines de 2012, Nate Silver notait ainsi que les études en ligne avaient pour l’ensemble obtenu un meilleur résultat que les études par téléphone. (pour autant que l’échantillonnage était conduit de manière satisfaisante)[2].

Pour les élections de novembre, 2016, un examen des 92 sondages publiés par le New York Times entre le 1er octobre et le 7 novembre, dont 40 ont été réalisés par téléphone, pendant que 52 l’étaient par questionnaire en ligne, montre que les résultats entre les deux modes d’interrogation sont assez proches.

Enquêtes publiées par le NYT du 1/10 au 7/11

Recueil des données en ligne
(moyenne sur 52 sondages)

Recueil des données par téléphone
(moyenne sur 40 sondages)

Clinton

45,55 %

46,95 %

Trump

40,61 %

41,42%

Le « mensonge » des répondants

Les méthodes des instituts hors de cause, le deuxième suspect dans le manquement des sondages est le répondant lui-même. C’est parce que les répondants leur auraient menti en camouflant leurs véritables intentions de vote que les sondeurs se sont trompés.

Là encore, les sondeurs sont familiers de ces échantillons « menteurs ». Ils les traitent par la méthode éprouvée du redressement qui consiste à corriger le résultat brut des réponses à une question donnée, ou la composition d’un échantillon, en prenant pour base une donnée analogue dont on est assuré par ailleurs. On redressera, par exemple, la composition d’un échantillon dont le rapport d’hommes et de femmes diffère de ce qu’on sait être celui de la population française (grâce aux recensements de l’Insee) en ramenant les poids relatifs des hommes et des femmes au sein de l’échantillon à ce qu’ils sont au sein de la population de référence.

C’est cette même technique que les sondeurs utilisent pour redresser les « mensonges » des personnes interrogées sur leurs intentions de vote. A l’époque déjà lointaine où le vote Front National était honteux les électeurs de ce parti avaient l’habitude de sous-déclarer leurs véritables intentions. Pour déterminer l’ampleur de cette sous-déclaration, il suffisait de demander aux personnes interrogées en complément de leur intention de vote ce qu’avaient été leurs votes passés. En comparant les déclaration des sondés avec la réalité des scrutins on dispose d’un indice, une clé, pour redresser leurs intentions de vote déclarées afin qu’elles correspondent à la réalité.

Si les sondeurs ont su jusqu’ici redresser les déclarations imparfaites des sondés pourquoi ont-ils récemment perdu la main ? Il convient ici d’être nuancé. Les sondeurs n’ont pas complètement perdu leur latin mais seulement une partie de celui-ci. Si l’on compare les mesures des instituts avec la réalité du vote des Américains, on constate que les sondeurs ont correctement anticipé le vote Clinton pendant qu’ils sous-évaluaient régulièrement le vote Trump.

Différence des résultats d’enquêtes d’avec les résultats finaux Clinton Trump
Recueil des données en ligne -2,45 % -6,39%
Recueil des données par téléphone 1,05 % – 5,58 %

Il y a donc quelque chose dans le « mensonge » des sondés qui échappe désormais à l’entendement des sondeurs. Ils mentent toujours, mais certains autrement.

Le mensonge du répondant, ou comment se concilier les bonnes grâces des sondeurs.

Dans le jargon du métier, ce mensonge relève de ce qu’on appelle le « biais enquêteur ». Il provient d’une forme de honte de ses propres opinions, notamment politiques, que le sondé éprouve devant le sondeur. L’enquêté cherche alors à complaire à l’enquêteur en lui offrant ce qu’il pense être une bonne réponse, socialement plus acceptable.

Cette petite veulerie a deux motifs : le premier est que la relation entre l’enquêteur et le répondant est asymétrique ; c’est une relation de domination dans laquelle l’un pose des questions et l’autre ne fait qu’y répondre ; l’un sait pourquoi il interroge, l’autre ne sait pas toujours pourquoi il répond.

Certes, les sondeurs n’aiment pas se dire qu’ils sont un pouvoir. Ils se conçoivent plutôt comme des observateurs neutres et objectifs, tirant leur légitimité de la science et de leur expertise technique et dont la déontologie exige qu’ils se tiennent à l’écart des jeux et des enjeux de pouvoir. Tout cela est peut être vrai. Mais il reste que pour l’opinion, les sondeurs sont du monde des puissants et des institutions

Aussi, en mentant le répondant fait ce que font tous les dominés à l’égard du pouvoir qui les domine, il cherche à en diminuer le poids et en adoucir la possible brutalité : il ment pour ne pas avoir de problème.

Mais ce mensonge des sondés est en même temps un consentement à la domination du sondeur, et au delà à celle de l’institution des sondages ; sans quoi, ils cesseraient de répondre. Quand le répondant dissimule son opinion pour complaire au sondeur sa ruse vise à aménager sa propre domination plutôt qu’à la remettre en cause. Chacun reste poliment à sa place.

La révolte des sondés ?

Si les sondeurs ont aujourd’hui plus de difficulté que d’habitude à redresser les déclarations inexactes des sondés, c’est que ceux-ci ont, pour partie, changé de nature. Le « nouveau répondant », celui qui fait trébucher les instituts, présente en effet un double caractère : il se défie désormais des institutions et des pouvoirs, et sans être expert, il a une petite familiarité avec les sondages.

Les sondages sont aujourd’hui pris dans le même mouvement de réprobation qui vise les institutions de pouvoir (média, entreprises, gouvernement, etc.).

Dans le même temps, à force de lire des sondages dans la presse et d’être soi-même interrogés, les répondants ont acquis une certaine familiarité, sinon une expertise, à l’égard des techniques de sondages. Si certains veulent faire déraper la machine, ils savent comment s’y prendre : en mentant plus encore qu’avant et pour d’autres raisons. Ainsi est-il non seulement légitime de mentir au sondeur, mais plus encore de l’induire en erreur.

Il y a fort à parier que la révolte des électeurs contre l’establishment, commence par une dissimulation de leurs intentions par les sondés ; le mensonge n’est plus une complaisance à l’égard de l’enquêteur, mais une résistance.

Saisir les mouvements émergents de l’opinion ? Vers de nouvelles méthodes.

Ce jeu du sondé à l’égard du sondeur est un comportement nouveau de l’opinion et en cela, il rend encore plus difficile la tâche du sondeur. Car les sondages n’aiment pas la nouveauté ; ils ne sont pas taillés pour cela.

Dans l’élection américaine, comme on l’a vu, les sondeurs ne se sont pas trompés partout, mais essentiellement sur le vote Trump. Leur erreur fut de ne pas avoir prévu l’imprévisible : le nouveau qui ne ressemble à rien de ce que l’on connaît déjà.

L’émergence de nouvelles logiques de l’opinion est un double défi pour les sondeurs. Tout d’abord, les techniques de redressement supposent de comparer les intentions de vote actuelles avec les comportements électoraux passés. Or, quand de nouvelles offres apparaissent et que l’opinion se recompose, la tâche devient pratiquement impossible pour le sondeur de déterminer sur quelle élection passée il convient de se baser pour déterminer les bonnes clés de redressement. A quelle élection les sondeurs américains devaient-ils se référer pour évaluer le vote Trump ?[3] A quelle élection les sondeurs français devront-ils quant à eux se référer pour évaluer, par exemple, le vote Macron et autres objets électoraux mal identifiés ? Le futur proche des sondeurs est un chemin semé d’embuches.

En second lieu, au delà de la question ponctuelle du redressement, il convient de remarquer que les sondages sont par principe peu faits pour identifier des mouvements émergents au sein de l’opinion.

Un sondage ne peut mesurer que des objets qu’il connaît déjà et qu’il sait décrire. Le monde du sondeur est déjà catégorisé, structuré. C’est pourquoi l’éventail des réponses possibles aux questions des sondages est défini avant même que n’ait commencé l’interrogation de l’échantillon. Un sondage ne peut faire plus que mesurer l’importance au sein de l’opinion de chacune des catégories qu’il a prédéfinie. Cela ne signifie pas que les sondages ne mesurent que des artefacts, comme le ressasse la critique bourdivine, mais que la qualité d’un sondage dépend largement de la compréhension que le sondeur a de son objet.

Toutes les règles méthodologiques d’un sondage peuvent bien être respectées (échantillonnage, redressement, organisation du plan d’enquête, etc.) ; si l’objet qu’il se propose de mesurer est mal défini, il sera difficile de parvenir à un résultat satisfaisant.

Les sondages sont faits pour mesurer des évolutions à l’intérieur de cadres stables. Quand les cadres sont en pleine transformation, les sondages touchent nécessairement leurs limites. Il faut donc aux sondeurs d’autres outils, en amont de leurs mesures, pour comprendre la nature des phénomènes d’opinion émergents tels que les nouveaux mouvements anti-establishment.

Des méthodes complémentaires ?

Dans une société toujours plus liquide, dont les opinions sont éminemment instables, l’avenir des sondages se situe probablement ailleurs que dans les sondages eux-mêmes. Il faut qu’aux côtés des méthodes traditionnelles de mesure de l’opinion les sondeurs se dotent d’outils et de méthodes permettant d’observer et de comprendre l’opinion dans la fluidité de son mouvement.

De tels outils sont apparus récemment, notamment avec les techniques d’observation et d’analyse des mouvements d’opinion sur Internet et dans les réseaux sociaux. Ces techniques ne sont plus tout à fait dans leurs balbutiements, mais elles ne sont pas encore parvenues à leur maturité. Leurs méthodes ne sont pas encore définitivement fixés, leurs biais – car toute technique d’observation a les siens – ne sont pas tous identifiés et maîtrisés, mais pour l’ensemble, elles se montrent extrêmement prometteuses pour ce qui concerne l’observation des phénomènes d’opinion émergents.

L’articulation de l’ancien (les sondages), et du nouveau (l’observation de l’Internet), devrait permettre au métier de réparer les récents accrocs faits à sa réputation.

[1] R. Bigot, P. Croutte, F. Recours, Enquêtes en ligne : peut-on extrapoler les comportements et les opinions des internautes à la population générale ? Crédoc, 2010

[2] Which Polls Fared Best (and Worst) in the 2012 Presidential Race, Nate Silver November 10, 2012 (http://fivethirtyeight.blogs.nytimes.com/2012/11/10/which-polls-fared-best-and-worst-in-the-2012-presidential-race/?_r=0)

[3] Même le vote Palin de 2008, (vieux déjà de 8 ans), ne fournissait pas une base de référence satisfaisante pour comprendre le mouvement d’opinion qui a porté Trump au pouvoir.

« Nous les Gens », le premier sondage participatif


Scratch PadAujourd’hui , Scan-research et le Terrain lancent une initiative inédite dans le monde des études d’opinion : un dispositif participatif  de sondages pré-électoraux en vue des Présidentielles. Nous l’avons baptisé : « Nous les Gens ». De quoi s’agit-il et pourquoi faisons-nous cela ?

« Nous les Gens » est un dispositif financé de manière participative grâce auquel les citoyens pourront se réapproprier eux-mêmes l’outil des sondages. Deux principes ont guidé la conception de « Nous les Gens » : l’indépendance et la transparence.

L’indépendance signifie que les sondages sont commandités par les citoyens eux-mêmes au moyen d’un mode de financement participatif sur la plateforme Ulule.

https://fr.ulule.com/nous-les-gens/widget.html

La transparence consistera en ce que toutes les opérations nécessaires à la réalisation d’un sondage (recueil des données, traitement et interprétation des résultats), seront visibles et contrôlable à partir d’un site collaboratif auquel aura accès chaque contributeur du sondage : il pourra décider des questions, assister au déroulement des interviews, accéder aux résultats bruts du recueil des données, suivre le détail des traitements effectués sur ces données, dont notamment les opérations de redressement. Et bien sûr, il pourra également confronter son interprétation des résultats avec celles des autres contributeurs.

Nous avons décidé de lancer une telle initiative parce que nous pensons qu’il est nécessaire aujourd’hui que l’opinion démocratique s’approprie les sondages.

Sondages et démocratie : un couple nécessaire et controversé

La démocratie entretient avec les sondages un rapport ambigu. Ils sont à la fois inséparables ; dans le même temps leur relation ne va pas de soi.

C’est d’abord une vérité de fait que les sondages sont indissociables de la démocratie. La raison en est simple : les sondages mesurent l’opinion publique et il n’y a d’opinion publique à proprement parler que dans les démocraties.

Quel intérêt, en effet, y aurait-il à sonder une population si son avis sur les décisions qui la  concernent ne compte pour rien ?

S’il est entendu qu’il n’y a pas de sondages sans démocratie, la réciproque suscite des avis plus partagés. Peut-être, disent certains, notre démocratie serait de meilleure qualité sans les sondages.

La principale critique adressée aux sondages au nom de la démocratie, est de dévoyer le processus de libre formation de l’opinion, en l’influençant clandestinement du seul fait de lui renvoyer son image. Les sondages fausseraient décision du citoyen en offrant une prime à l’opinion prépondérante ou au candidat qu’ils « placeraient » mieux. C’est une représentation de ce type qui a notamment inspiré cette loi d’un autre âge qui, en France, interdit la publication de sondages 48h00 avant les grands scrutins nationaux.

On fera là dessus les remarques suivantes : il n’a à ce jour été apporté aucune preuve convaincante qui justifie cette suspicion d’une manipulation de l’opinion par les sondages. On argumenterait d’ailleurs avec un égal bon droit que la publication d’un sondage peut aussi bien encourager les soutiens du gagnant qu’alerter et stimuler ceux du perdant ; si les sondages influencent l’opinion, elle le fait dans un sens comme dans l’autre, par suite elle s’annule elle-même.

Les sondages une aide à la décision du citoyen

Cette idée que le sondage menacerait la liberté de conscience de l’électeur procède en réalité d’une représentation dépassée et fausse de la formation de l’opinion. Dans une représentation de ce type l’électeur idéal, se déterminerait seul, hors de toute interaction avec ses amis, ses collègues ou sa famille avec lesquels il échange et discute et qui font de lui un être social. L’électeur ne serait vraiment lui-même que dans l’isoloir, seul avec sa conscience.

Est-il besoin de dire que ce n’est pas ainsi que les choses se passent ?

L’électeur d’aujourd’hui est bien plus raisonnable et pondéré qu’on le croit trop facilement. Son vote est de plus en plus le résultat d’un calcul. La volatilité et l’indécision qu’on lui reproche, est en réalité l’indice de sa liberté croissante à l’égard des solidarités familiales ou des fidélités idéologiques. Tout comme le consommateur devant un marché opulent, il compare, soupèse, réfléchit. Il scrute les programmes, évalue la capacité des candidats à les mettre en œuvre. S’il balance entre deux candidats, il veut savoir lequel aura le plus de chance de l’emporter contre un troisième dont il ne veut surtout pas.

Il ne se décide pas non plus tout seul ; il multiplie les échanges et les conversations avec ses proches avant de se déterminer. Une campagne électorale n’est pas une simple opération de propagande dans laquelle les candidats se succèdent à la tribune devant un public muet et réceptif. Elle est un débat complexe dans lequel les électeurs échangent plus entre eux qu’ils n’écoutent les candidats.

Dans ce débat auquel l’ensemble des citoyens est appelé à participer, le sondage assume une fonction essentielle qui est de permettre à chacun d’en suivre l’évolution globale et d’analyser avec précision le poids de son vote dans la décision collective : quel est le risque de mon abstention ? Que pourrait être un vote utile au regard de mes intérêts ou de mes valeurs ? Mes convictions profondes doivent-elles prévaloir sur le réalisme de la gestion des affaires ? Telles sont les questions que l’électeur d’aujourd’hui  se pose et auxquelles les sondages apportent un éclairage pertinent. Ils sont l’auxiliaire indispensable de l’électeur des démocraties, après la mort des idéologies.

La méfiance légitime des sondés

Un motif supplémentaire de la mauvaise réputation des sondages est qu’elle fait écho à la méfiance croissante que les Français éprouvent à l’égard des institutions et des pouvoirs. Les sondages sont en effet toujours commandités par les institutions ou les pouvoirs économiques ou politiques qui en ont besoin pour éclairer leurs décisions, et qui peuvent également se les offrir. Car un sondage coûte cher, à peu près le prix d’une voiture : de  5000 € à 100 000 €, selon la complexité de l’interrogation, le nombre et la rareté des personnes à interroger. Le prix moyen tourne autour de 15 000 €.

Cette situation met les individus dans une situation de déséquilibre par rapport aux institutions et aux entreprises qui commandent les études. Les gens, eux, ne commandent pas de sondages, ils ne font qu’y répondre. En étant constamment soumis aux questions des sondeurs sans jamais avoir l’opportunité d’en poser une seule, le citoyen se retrouve dans la situation du rat de laboratoire ; ce n’est pas la meilleure place, et elle suscite légitimement une certaine méfiance à l’égard du laborantin.

Pour une transparence des sondages

Le dernier reproche qui est fait aux sondages s’adresse en fait aux sondeurs. Ils se font passer pour des hommes de sciences puisqu’ils parlent chiffre, mais on les envisage plus souvent comme des alchimistes dont les pratiques obscures confinent à la manipulation.

Le véritable mystère, ici, n’est pas dans la réalisation des sondages, mais plutôt dans le fait qu’une technique si banale (il se réalise en France plusieurs milliers de sondages chaque année) semble encore si ésotérique.

Un sondage n’est jamais qu’une succession d’opérations assez simples qui consistent à recueillir des données en interrogeant des individus, traiter les données ainsi recueillies, pour interpréter enfin le résultat de ces traitements. Chacune de ces opérations obéit à des règles de bonne pratique professionnelle dérivées de la statistique élémentaire ainsi que du savoir faire accumulé par le métier.

Les opérations de « redressement des données brutes » par exemple – dont le principe est de modifier les résultats obtenus à l’issue des opérations de recueil et de traitement des données, de façon à tenir compte des « mensonges » (ou des omissions), des personnes interviewées quant à leurs véritables intentions de vote – peuvent ainsi avoir l’apparence de manipulation des chiffres. Elles obéissent à des règles qui n’ont rien d’occulte mais sont le résultat de l’expérience du métier, que n’importe quel citoyen peut comprendre pour autant qu’on les lui explique .

Nous les Gens : se réapproprier le sondage comme outil démocratique

Le sondage se trouve ainsi dans une situation paradoxale, il est à la fois un auxiliaire chaque jour plus indispensable du citoyen dans le débat démocratique en même temps qu’il est perçu comme un outil mystérieux aux mains des puissants.

C’est de la prise en compte de cette contradiction que nous est venu l’idée de l’opération « Nous les Gens »

L’ambition de « Nous les Gens » est de fournir à chaque citoyen les moyens de se réapproprier l’outil démocratique qu’est le sondage.

Si avec votre aide nous y parvenons, nul doute que nous aurons fait progresser la vie démocratique en France vers plus de maturité et d’ouverture.

Loi El khomri, mélodies en sous-sol


arm wrestling between business boss white collar versus worker

Ce n’était pourtant pas un temps à mettre les syndicats dans la rue.

Comme il arrive en France tous les cinq ou dix ans, un projet de réforme gouvernemental suscite des mouvements sociaux spectaculaires, ainsi qu’une controverse aux accents de guerre civile. Le projet de Loi-Travail qui agite aujourd’hui l’opinion pourrait à bon droit passer pour un cas d’école sur la manière très particulière dont les Français réfléchissent collectivement aux transformations qu’ils conduisent dans leurs relations sociales.

Une opinion apparemment contradictoire

A première vue, l’opposition de l’opinion à la loi dans son ensemble ne fait guère de doute. Plusieurs sondages indiquent en effet une forte hostilité (environ deux Français sur trois) au projet de loi. En mars dernier, 70% se déclaraient ainsi « plutôt opposé à la loi El Khomri » (Odoxa, le 05/03/2016) ; dans une enquête plus récente, une proportion analogue (68%) souhaitait également que « le gouvernement revienne sur la Loi-Travail » (BVA, le 15/05/2016).

Si l’on observe, en revanche, l’opinion des Français à l’égard de chacune des principales mesures de la loi, on découvre une réalité beaucoup plus nuancée. Interrogés sur la création du compte personnel d’activité (CPA), qui garantirait aux salariés tout au long de leur parcours professionnel, la conservation de leurs droits à la formation ainsi que la reconnaissance de la pénibilité du travail effectué, les Français font à cette mesure un véritable plébiscite puisqu’ils sont près de 9 sur 10 ( 87 %) à l’approuver (Scan-research/le Terrain, le 05/03/2016).

Diapositive09

La proposition de faciliter le recours au référendum d’entreprise fait également l’objet d’un consensus largement favorable puisqu’elle est approuvée par plus de deux Français sur trois (Odoxa, 07/03/ 2016).

Enfin, la proposition d’ « inversion des normes » tant critiquée par les opposants au projet, et dont le principe est de renvoyer la négociation sur l’organisation et le temps de travail à l’échelon de l’entreprise (et non plus, comme c’est aujourd’hui le cas à celui de la branche), fait l’objet d’une appréciation beaucoup plus balancée que ce que pourrait laisser supposer l’ampleur des cortèges, et la véhémence du ton employé par ceux qui s’y opposent. (49% – Odoxa, le 05/03/2016).

Un chiffre que confirme notre étude sur l’échelon pertinent pour négocier la durée du travail. Près de deux Français sur trois, pensent que cette négociation doit se dérouler au niveau local de l’entreprise, soit de manière individuelle (34,5%), soit de manière collective (27 %). La négociation au niveau de la branche n’obtient, quant à elle, le soutien que d’une minorité de Français (16,3%) (Scan-research-le Terrain,  le 05/03/2016).

Diapositive06

Notons, au passage, la relative inconséquence de ces opposants au projet de loi qui prêchent, place de la République, l’auto-organisation à la base « là où les gens vivent et travaillent », mais qui n’ont de cesse de défendre le cadre centralisé de la loi, quand il leur est proposé de promouvoir des formes d’organisation plus autonomes et adaptées aux situations particulières dans le monde du travail.

 Tel est donc le portrait un peu bizarre d’une opinion qui rejette dans son ensemble un projet de loi dont elle apprécie dans le détail les principales mesures quand elle ne les plébiscite pas.

Ni blocage, ni 49.3 ! Un vrai débat politique.

La première raison à cette étrangeté tient à la forme de la controverse plutôt qu’à son fond. « Faut-il retirer ou amender le projet ? » demande-t-on à l’opinion. Une importante minorité (48%) souhaite un retrait pur et simple mais une courte majorité (51%), souhaite son maintien avec (38%) ou sans modifications (13 %) (cf Elabe le 4/5/2016, ou Ifop le 28/05/2016). Les Français souhaiteraient donc plutôt qu’on débatte.

La contradiction entre le rejet général de la loi et l’approbation de ses principales mesures fait ainsi écho à une autre contradiction entre d’une part l’attente, sinon le souhait, d’un débat par l’opinion et l’affrontement dans lequel sont engagés ses représentants : le gouvernement, la CGT et FO.

Au delà de la loi-Travail

Ce qui suscite en réalité l’intensité de l’affrontement autour de la loi El Khomri, c’est qu’il est le lieu, pour chacun de ses principaux acteurs, d’enjeux qui le dépassent.

Une des inspirations principales du projet de loi est la prise en compte de la nécessité de laisser aux entreprises, et au monde du travail en général, suffisamment de liberté pour pourvoir s’adapter en permanence à des conditions de marché et de concurrence en perpétuelle évolution. Une telle flexibilité ne peut s’obtenir que si les acteurs économiques et sociaux disposent d’assez d’autonomie pour être suffisamment réactifs.

Du point de vue de l’action syndicale, cela signifie que le temps des grands accords et des grandes réglementations est en train de passer. La tâche qui est désormais la leur est de réinventer un mode d’action qui leur permette d’accompagner les salariés dans leurs négociations autour des organisations variables des entreprises.
Pour des syndicats dont toute la culture s’est construite à partir du modèle qui a longtemps prévalu en France de la grande entreprise nationale, c’est là une crise d’identité majeure.

Un Bad Godesberg dans la rue

Pour les socialistes, l’enjeu n’est pas moindre.

Depuis plus de trente ans (le « tournant de la rigueur » du gouvernement Mitterrand-Mauroy en 1983), le parti socialiste vit dans une schizophrénie qui lui fait dire une chose quand il est dans l’opposition pour en faire une autre quand il revient aux affaires. Le gouvernement de François Hollande n’a pas dérogé à cette règle.

Les socialistes allemands avaient réglé ce problème depuis longtemps, en 1959, quand à Bad-Godesberg, ils avaient clairement rompu avec le marxisme, et reconnu le marché comme une forme légitime d’organisation de l’économie. Tiraillé entre ses divers courants et un espace politique à gauche occupé par une frange non négligeable de l’opinion, le parti socialiste, par crainte de l’éclatement, n’a jamais pu ou voulu accorder clairement son discours à ses actes et assumer cette rupture. Au mieux s’est-il contenté de la monnayer à petite dose pour éviter de froisser son aile gauche. Avec la loi-travail, il semble qu’on soit arrivé au bout de cet exercice.

Si l’on observe les grands clivages de l’opinion à propos de la loi El Khomri, on constate en effet que la ligne de front entre les opposants et les soutiens à la réforme passe moins entre la droite et la gauche qu’au sein même de ce qui n’est probablement plus la famille socialiste : entre les courants sociaux-démocrates d’une part et de l’autre, la gauche du PS, rejointe par le Front de gauche, le parti communiste, et les vestiges de l’extrême gauche. En adoptant une position de fermeté dans cette crise, François Hollande semble avoir saisi l’occasion de la loi El Khomri pour en faire son Bad Godesberg à la française, et clarifier enfin le discours et le positionnement du socialisme de gouvernement.

Si l’opération échoue, on pourra regretter que l’occasion ait été mal choisie –les congrès sont faits pour cela – et au delà que la réforme du code du travail fut la victime collatérale de la manœuvre.

Une opinion au bord de la crise de nerfs ?


26047512_mUne opinion au bord de la crise de nerfs ?

Le Petit Journal de Canal Plus diffusait récemment un montage de déclarations de personnalités politiques qui, de Jean Luc Mélenchon à Marine le Pen, en passant par Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy, reprenaient toutes la même antienne : « les Français n’en peuvent plus ».

Nos hommes et femmes politiques, qui ne cessent de s’opposer par ailleurs dans le débat sur la « bonne politique », sont donc au moins d’accord sur un point : le corps politique des Français est au bord de la crise de nerf, à un cheveu de basculer dans le précipice révolutionnaire, ses troubles et ses désordres.

Une erreur sur l’état de l’opinion

Ce lieu véritablement commun de la rhétorique politique est tout d’abord une erreur : il n’est pas vrai que les Français sont à bout. L’examen des faits suggère plutôt l’inverse : face à une actualité qui ne les a guère épargnés au cours des derniers mois, les Français affichent un flegme que devraient nous envier nos voisins britanniques. Alors que l’écho des attentats de novembre n’a pas fini de résonner au sein de l’opinion, que la reprise de l’économie et la baisse du chômage restent largement incertaines, pendant que des pans entier du système de protection social (retraite, code du travail) sont en pleine restructuration, les Français affichent un niveau d’inquiétude qui reste très modéré. Le Baromètre des peurs des Français de Scan-research/le Terrain, indique ainsi que le niveau de peur des Français reste à un niveau modéré : 6,17 en moyenne sur un échelle et de 10 , et n’a que peu augmenté au cours des 6 derniers mois.

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Un résultat qui s’inscrit dans la lignée de nombreuses études sur le moral des Français qui dressent un portrait d’une opinion heureuse sans excès, en tous cas très éloignée de l’état de crise évoqué par les politiques [Le bonheur des français au 1er semestre 2016
Classement du bonheur des français.Worldhappiness report 2016]

Quand les Français manifestent de l’inquiétude, elle concerne des menaces telles que celles qui pèsent sur l’environnement qui échappent pour une large part à l’action des politiques et sur lesquelles ils s’affrontent assez peu [cf le Baromètre des peurs des Français – Scan-research/le Terrain]. Inversement des menaces telles que le chômage, ou la baisse de revenus, même si elles sont prises très au sérieux par les Français ne suscitent ni panique ni exaspération de leur part. Malgré toutes ses imperfections, les Français conservent leur confiance dans le système de protection sociale dont ils disposent.

Pourquoi les politiques se trompent

Une première cause de cette erreur sur l’exaspération supposée des Français tient aux conditions mêmes du débat public. Le resserrement de l’éventail des options possibles en matière de politique publique tend à réduire mécaniquement les différences entre les programmes et ceux qui les portent. Sur un tel marché encombré d’offres substituables, pour éviter leur banalisation, les acteurs politiques sont portés à accentuer leurs différences et à en exagérer les enjeux. En entretenant l’idée que « les Français n’en peuvent plus », on transforme la moindre décision politique qui permettrait de relâcher cette tension supposée insoutenable en un exploit homérique. Plus la réalité de l’affrontement s’éloigne en politique, et plus il semble nécessaire d’en exagérer le spectacle.

La seconde raison pour laquelle les politiques se trompent sur l’état réel de l’opinion est le bénéfice qu’ils en tirent. L’hystérisation de l’opinion a en effet pour corolaire l’héroïsation de l’action politique. S’il est vrai que « les Français n’en peuvent plus », la conséquence en est que des héros sont nécessaires pour les tirer d’un si mauvais pas. Sauver une nation d’un gouffre où elle s’apprête à tomber, vous met plus facilement dans la position de Saint Georges terrassant le dragon, qu’un compromis technique sur une mesure fiscale. Cette présentation de l’homme politique comme héros de l’action publique s’inscrit dans notre tradition politique qui en renforce la légitimité. Tout républicains que nous sommes, nous aimons bien les sauveurs. On retrouve ce goût des hommes providentiels jusque dans nos institutions les plus importantes comme l’élection du Président de la République, que de Gaulle définissait comme la « rencontre entre un homme et un peuple ».

De l’erreur sociologique à la faute politique

S’adresser à l’opinion comme si elle était beaucoup plus exaspérée qu’elle ne l’est en réalité, est non seulement une erreur, c’est également une faute. Elle témoigne non seulement d’une relative déconnexion du personnel politique d’avec l’opinion, mais, ce qui est plus grave, elle tend à l’accroître.

A entretenir l’idée que le pays est au bord de la rupture et qu’il faut tout reprendre à zéro, car « les Français n’en peuvent plus », on tend à discréditer la délibération et la  négociation en tant que procédures légitimes de la politique pour en faire autant de trahisons déshonorantes, et de formes d’oubli de l’intérêt général. Tout compromis devient une compromission. Ce qu’on abime ainsi, sans y prêter attention, c’est l’idée même de débat démocratique que l’on vide de sa substance.

De nombreux travaux montrent qu’au contraire le citoyen et l’électeur, se déterminent de plus en plus par rapport à une offre programmatique, plutôt que par une adhésion globale à un courant d’idées, voire pire, à une personne. Les orientations politiques des Français sont de moins en moins structurées par des affrontements idéologiques. L’opinion démocratique  est aujourd’hui plus libre de ses choix et plus ouverte à la discussion.

C’est précisément à cette demande raisonnable de politique, à laquelle on ne répond pas quand on dramatise à l’excès le ton du débat public. Au contraire, on s’expose nécessairement à décevoir quand, après avoir promis des lendemains qui chantent, on se confronte aux nécessités de la gestion des affaires. Au passage on aura contribué un peu plus au discrédit de la parole politique et renforcé ceux qui vivent de ce discrédit.

Gilles Achache.
Président de Scan-Research.

Mettre un stop à la paupérisation des études


Market Research News : l’actualité et le guide des études marketing la vie du conseil et des études marketing

 Pour Mustapha Smail (Le Terrain), la représentativité des études doit être prise pour ce qu’elle est : non pas une fin en soi, mais une exigence devant répondre à des besoins précis. C’est aussi une promesse faite par des professionnels, et qui ne peut être tenue qu’en respectant des méthodologies d’études précises, rigoureusement conçues et mises en œuvre. Elle ne doit donc pas être faite à la légère, faute de quoi le risque serait de contribuer à entretenir la spirale d’une paupérisation des études, hélas, déjà bien engagée.    

MRNews : Les pratiques d’études ont fortement évolué depuis une dizaine d’années, et ces évolutions suscitent beaucoup de questions sur cet enjeu de représentativité. Beaucoup d’avis s’opposent, mais un des points de convergence est la nécessité de repenser cette notion, de la réactualiser en somme. Qu’en pensez-vous ?

Mustapha Smail : Je ne partage pas nécessairement l’idée qu’il faille repenser la notion de représentativité, dont les règles scientifiques sont bien établies et relativement intangibles… Mais je ressens la nécessité en préambule de poser une première conviction. Il me semble important de souligner que la représentativité des échantillons d’études n’est pas une fin en soi. Il ne s’agit au fond de rien d’autre que d’un outil, que l’on met au service d’un besoin et donc d’une demande. Il n’y a donc aucune contre-indication, de mon point de vue, à mettre en œuvre des études bâties sur d’autres logiques. Nous réalisons aussi ce type d’études lorsqu’il s’agit par exemple de tester un produit ou un concept.

Beaucoup d’études sont présentées comme étant « représentatives », en particulier de la population française, alors qu’elles ne le sont pas ?

Lorsque la promesse de représentativité est formulée, il est sain qu’elle soit respectée. Il est évident que la promesse est trop souvent faite à la légère et quelquefois on se demande quels ont été les critères pris en compte pour garantir la représentativité de l’échantillon.

Beaucoup d’études sont présentées comme étant représentatives de la population française. Alors qu’il est parfois flagrant que cette représentativité ne peut pas être rigoureusement garantie compte tenu des méthodes utilisées. Quand je vois certains acteurs proposer pour 180€ des études portant sur un échantillon de 1000 personnes représentatives de la population française. Il est probable qu’il y a un malentendu sur la notion de représentativité, pour dire les choses gentiment ! 

Une des pratiques d’études qui soulèvent le plus de questions sur ces enjeux de représentativité est l’usage d’internet et tout particulièrement des Access panels on-line. Pensez-vous qu’il soit possible de garantir une représentativité correcte via ces outils ?

Posons un préalable : la représentativité se définit non pas dans l’absolu, mais en rapport à une population de référence. Un échantillon est donc représentatif si je peux extrapoler les résultats que j’obtiens auprès de lui à une population de référence, en ayant une vision objective de la précision de cette extrapolation.

Il me semble qu’il ne faut pas mélanger les modes de recueil (face à face, téléphone, internet, sms) et l’usage dans les enquêtes « des panels » et plus précisément des Access qui existaient bien avant l’arrivée d’Internet (les premiers ayant été créés dans les années 30).

Votre question porte plutôt sur l’outil « Access Panel » et la manière dont ils sont constitués et cette question importante, les Access panel permettent-ils d’obtenir des échantillons représentatifs de la population française ? 

Ces limites tiennent-elles à la mécanique de la panélisation ?

Oui, c’est une question. Le fait de s’inscrire pour répondre régulièrement à des enquêtes via internet est-il neutre ou pas quant à des modes de consommation ou à certaines visions des choses, comparativement à la globalité de la population française ? On se posait la même question dans le recrutement des consommateurs pour les groupes qualitatifs. Personnellement, je ne le sais pas, et je m’interroge sur les biais liés à ces comportements. 

Cela est-il lié à cette forme d’auto-sélection induite par les Access panels ?

Oui, l’auto sélection, l’absence de couverture d’une partie des internautes, … au moins en partie. La notion de représentativité suppose la mise en œuvre de techniques d’échantillonnage. Sur le plan pratique, les méthodes d’échantillonnage supposent d’une certaine façon de mettre les répondants potentiels dans un panier, un fichier en somme, et de sélectionner dans le fichier les individus  pour les interroger, soit en se fiant au principe de l’aléa pur, soit en utilisant des quotas qui correspondent à la description de la population de référence, lorsque les informations sont disponibles.

Lorsque l’on utilise un Access Panel bien souvent ce sont les individus qui décident de faire partie du panier ! Le risque est donc d’avoir affaire à des personnes qui répondent à un grand nombre d’enquêtes, avec des motivations particulières et donc un profil psychologique que l’on ne peut pas préjuger identique à celui du français moyen, y compris lorsque les caractéristiques socio-démographiques sont équivalentes. Il y a un risque dans ce cas de professionnalisation des panélistes.

Lorsque le recueil se fait par téléphone, les individus peuvent accepter ou pas de répondre. Est-ce que ce n’est pas une forme d’auto-sélection ?

Le téléphone n’est qu’un outil de recueil, il est possible de faire des enquêtes par téléphone auprès de consommateurs inscrits dans un panel ou un Access Panel. La question c’est donc plutôt : Panel ou pas Panel. !

Par téléphone, lorsque nous sélectionnons au hasard des individus, il faut intégrer bien sûr le fait qu’il y ait un certain taux de refus. De nombreux travaux ont évalué ce biais et il existe des solutions. Mais la situation avec les Access Panels est très différente. Lorsqu’on vise à représenter des populations larges – comme la population française par exemple – il est parfaitement possible de constituer une base de sondages, selon des conditions parfaitement maitrisées. C’est comme si l’on mettait dans un grand panier l’ensemble des numéros de téléphone existant. Malheureusement, on ne peut pas appliquer ce principe aux adresses mails, c’est irréalisable en pratique.

Lorsqu’il s’agit de représenter une cible plus fine, les clients d’une entreprise donnée, il peut être tentant de solliciter le fichier via des emails, mais on se trouve là en butte à une autre limite qui est le taux de réponse, et les blocages techniques ( les antispams, les adblock, …). En général, cela tourne dans la majorité des cas, autour de 1% à 3%, ce qui est complètement insuffisant pour constituer une bonne base de travail.

Le téléphone est-il le medium le plus pertinent pour assurer la représentativité des échantillons ?

Sur le plan théorique si l’on veut être représentatif de la population française, je serais tenté de dire que presque tous les modes de recueil sont envisageables. Mais en pratique, oui, le téléphone offre le plus souvent les meilleures options avec le moins de biais méthodologiques. La joignabilité des individus se situe à des niveaux élevés grâce à la diffusion du téléphone mobile (près de 90% de pénétration) ; il n’a même jamais été aussi facile qu’aujourd’hui de joindre des personnes par téléphone.

On peut interroger les ménages via les téléphones fixes, ou les individus via les téléphones mobiles. Ou bien en combinant fixe et mobile, ce qui est une technique que nous maitrisons parfaitement. Le seul petit souci provient du multi-équipement, mais il s’agit d’un phénomène assez marginal et il existe des moyens pour mesurer ce biais.

Par ailleurs, le téléphone présente un autre avantage du point de vue de l’interrogation des individus : l’assistance d’un(e) enquêtrice (teur), et la communication orale est celle qui permet de s’assurer de la bonne compréhension des questions. Tout cela va dans le sens d’une meilleure maitrise des conditions d’enquête, qui est une des exigences majeures de fiabilité.

Vous utilisez différents moyens de recueil : le téléphone, le on-line, mais aussi le SMS. Qu’en est-il de ce dernier medium sur ces enjeux de représentativité ?

Il s’agit d’un mode de recueil assez particulier, qui présente à la fois des gros avantages et des limites. Il faut à mon sens plus le considérer comme un outil complémentaire dans l’arsenal des moyens susceptibles d’être mis en œuvre pour répondre aux besoins de nos clients. Ce mode de recueil est intéressant pour étudier un groupe d’individus, et disposer d’éléments de compréhension de certains comportements, le plus souvent en complément d’autres sources d’information. On ne se situe pas du tout dans le cadre d’une étude représentative de la population française par exemple, pour disposer d’un cadrage sur un marché ou une problématique.

Dans l’exemple que vous évoquiez précédemment quant à la proposition d’un acteur, vous avez fait mention de la durée du recueil. La représentativité est-elle conciliable avec des durées de terrain très courtes, d’une journée par exemple ?

Sauf cas très particulier, on ne peut pas garantir une représentativité correcte des échantillons avec de telles durées. Plus on intègre des contraintes, plus on s’écarte de l’échantillon idéal. Mais on peut aussi regarder les choses sous un autre angle : la perfection absolue n’est jamais atteignable, et elle a un coût. La question à se poser est donc celle des bons compromis à effectuer. Je pense que ceux-ci ne peuvent être établis qu’en examinant d’assez près les enjeux. A quoi va servir l’étude ? Quelle est l’importance des décisions susceptibles d’être prises sur la base de celle-ci ?

Faire une étude est avant tout un investissement, il faut donc à mon sens sélectionner la méthodologie et les moyens en fonction des bénéfices qu’ils peuvent apporter. Lorsque les enjeux sont importants, il me parait suicidaire de ne pas se préoccuper de la solidité de l’échantillon et de la robustesse des résultats, et le cas échéant de la représentativité de l’échantillon investigué.

Une dernière question enfin : êtes-vous inquiet sur la façon dont évoluent les pratiques d’études, et en particulier sur la question de la rigueur avec laquelle celles-ci sont mises en œuvre ?

Oui. Je ne vais pas le cacher. Je pense que l’on assiste à une forme de paupérisation des études. Plus les choses avancent, moins on se préoccupe des aspects scientifiques et on  valorise de moins en moins, le temps de la recherche, de la réflexion, de l’analyse. Dans une certaine mesure, il est normal qu’il y ait un phénomène de baisse des prix des études, en intégrant les gains de productivité réalisés dans notre secteur. Le problème est que nous semblons nous engager dans une spirale qui pourrait conduire à une dégradation de la valeur même de ce qui est produit.

La faute, s’il y en a une, ne revient pas aux acheteurs d’études, mais à ceux qui vendent ces études. Le risque, me semble-t-il, est que le produit « étude » soit d’une qualité telle qu’il ne permette plus aux entreprises de disposer de cet outil d’aide à la décision pour avancer dans leur réflexion ou pour prendre des décisions ; et qu’il perde ainsi toute sa valeur. J’espère bien sûr que l’on puisse enrayer cette spirale, mais ce n’est pas un combat gagné d’avance !